“C’est l’image de presse, qui accompagne le récit “objectif” du monde que me fait la presse, qui me fournit la matière de ce rêve…”
“Cette fixation française (mais aussi italienne apparemment, cliquer sur les articles pour voir les illustrations) sur la figure du “naufrage avec spectateur” est donc un symptôme, signalé en tant que tel par son caractère répétitif et son caractère emblématique; un symptôme qui nous présente bien autre chose que ce qui est censé être mis en jeu par l’image dans le contexte journalistique de la couverture de l’événement. Loin d’informer, c’est ici une évidence, les prouesses esthétiques des photographes et la fascination partagée pour l’épave vue de la terre ferme, dont témoignent ces images, me semblent viser un autre but, nous manifester autre chose.
…
Dans son essai Naufrage avec spectateur, le philosophe Hans Blumenberg évoque l’ancienneté et la récurrence de cette métaphore nautique du “naufrage avec spectateur” comme une expression de la position philosophique, position aussi de l’historien devant l’histoire.
“C’est le Romain Lucrèce qui a forgé cette configuration. Le deuxième livre de son poème du monde s’ouvre sur l’image d’un spectateur qui, à partir de la terre ferme, observe la détresse d’autrui aux prises avec la mer secouée par la tempête (…) Certes l’agrément que ce spectacle est censé procurer n’est pas dans les tourments qu’endure autrui, mais dans la jouissance de savoir que sa propre position n’est pas menacée. Il ne s’agit pas du tout des relations entre hommes, souffrants et non-souffrants, mais du rapport du philosophe à la réalité : de l’avantage que représente – grâce à la philosophie d’Epicure – le fait de disposer d’une base ferme et inattaquable pour considérer le monde.”
…